sondage

"Je souhaiterais que le soupçon se généralise à l'égard des sondages."

Pierre Bourdieu en 1986 in l'émission de France 2 : Histoire d'un jour : Les sondages et l'usage illégal de la science sociale (1).

NOTE JMS :

(1) Voir également à ce sujet cet article de Pierre Bourdieu signalé par Weronika Zarachowicz : L'opinion publique n'existe pas in Les Temps modernes, janvier 1973.

SOURCE :

Cité par Weronika Zarachowicz in : Le hic des pronostics : article paru dans le Télérama n° 2729 du mardi 30 avril 2002, p. 17.

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"[...]."

"Les sondages sont un pur produit de la société du spectacle (1), une société marchande fascinée par le jeu et le pronostic. Il suffit d'interroger Jean-Marc Lech (2), co-président d'Ipsos (3) [...]. "L'information est un marché, et le sondage une marchandise. Les gens veulent des prévisions ? Je leur vend des prévisions ! C'est mon métier et je ne fais pas de différence quand je vend un sondage à un homme politique ou à Coca-Cola." L'analyse est cynique, mais elle a au moins le mérite de rappeler que la finalité première des sondeurs reste commerciale. Et les sondages politiques, qui représentent une faible part du chiffre d'affaires des instituts - 8 % par exemple de celui de BVA (4) - constituent leur première vitrine."

"[...].

Weronika Zarachowicz : Le hic des pronostics, Télérama n° 2729 du mardi 30 avril 2002, p. 18 (5) .

NOTES JMS :

(1) Cf. not : https://jmsauvage.fr/dictionnaire-des-citations/representation

(2) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marc_Lech et https://www.babelio.com/auteur/Jean-Marc-Lech/110469

(3) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ipsos et https://www.ipsos.com/fr-fr

(4) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/BVA_(entreprise) et https://www.bva-group.com

(5) Cf. également à ce sujet ces ouvrages sur la question signalés par Weronika Zarachowicz :

- La Folie des sondeurs. De la trahison des opinions, d'Emmanuel Kessler, éd. Denoël, 2002 ;

- Les Sondages d'opinion, d'Hélène Y. Meynaud et Denis Duclos, éd. La Découverte, 1996 ;

- Faire l'opinion : le nouveau jeu politique, de Patrick Champagne, éd. de Minuit, 1990.

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Télérama : "Comment expliquez-vous les erreurs d'appréciation des sondages ?"

Emmanuel Todd : "[...] les sondages dont se repaissent les précampagnes pour occuper le terrain avant que les candidats ne se déclarent ne veulent rien dire. Ils vont chercher l'opinion où elle est déjà élaborée, c'est-à-dire dans les 50 % "supérieurs" de la société, chez ceux qui se trouvent en état permanent d'éveil politique, qui ont une opinion sur tout à tout moment, lisent les quotidiens nationaux et les hebdomadaires haut de gamme, savent analyser les informations..."

Télérama : "S'agit-il d'une image hémiplégique de l'opinion ?"

Emmanuel Todd : "On pourrait parler de sondage censitaire, comme il existait, sous la monarchie de juillet (1), le suffrage censitaire (2). Voilà pourquoi, avant la présidentielle de 1988 (3), on nous annonça la victoire de Raymond Barre. On vit le résultat. En 1995, c'est Balladur qui devait l'emporter. Idem. Début 2002, Jean-Pierre Chevènement était sacré "troisième homme" : il bénéficiait simplement d'un effet passager de séduction auprès des classes moyennes. Enfin dimanche, ce fut l'irruption du masqué : le vote FN."

"Pourtant les sondeurs d'opinion sont compétents : ils savent qu'un tel biais existe, qu'ils ont un problème de gestion des échantillons ouvriers. Et, a priori, rien n'interdirait un usage politique ou médiatique intelligent de ces sondages imparfaits. En 1995, la stratégie électorale de Jacques Chirac s'était précisément bâtie en pariant sur ces milieux populaires, en sachant qu'ils ne s'étaient pas exprimés dans les sondages qui mettaient l'actuel président à 12 % et Balladur à plus de 20 %. Comme à la chasse, il ne faut pas tirer sur le canard, mais devant, en tenant compte de sa trajectoire."

"Cela dit, l'absence de sondages serait pire que leur mauvais usage. Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, l'opinion n'était constituée que par les éditorialistes, qui ne représentaient qu'eux-mêmes. Le sondage censitaire m'apparaît quand même moins pire que l'oligarchie (4) à l'état pur !"

Télérama : Comment s'explique la persistance de cette vision biaisée de la société française chez les sondeurs ?

Emmanuel Todd : Même si la politique est leur vitrine, les instituts de sondage ne s'intéressent en fait qu'au marketing qui les nourrit. Toute leur activité est destinée à cibler les hauts revenus (cadres supérieurs ou professions libérales), potentiellement les plus gros consommateurs. Cette attention particulière au 20 % (ce n'est même plus les 50 %) supérieurs de la structure sociale a fini par contaminer tous les sondages, y compris donc les sondages politiques."

"[...]."

Du mépris du peuple à la menace populiste : entretien d'Emmanuel Todd (5) avec le magazine Télérama (n° 2728 du 24 avril 2002).

NOTES JMS :

(1) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Monarchie_de_Juillet

(2) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Suffrage_censitaire ; https://www.toupie.org/Dictionnaire/Suffrage_censitaire.htm

et https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2001-5-page-34.htm

(3) Cf. not. : https://www.vie-publique.fr/eclairage/24164-resultats-de-lelection-presidentielle-1988

(4) Cf. not. : https://www.cnrtl.fr/definition/oligarchie ; https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/oligarchie ; 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Oligarchie ; https://www.toupie.org/Dictionnaire/Oligarchie.htm ;

https://www.cairn.info/revue-tumultes-2015-2-page-163.htm et https://journals.openedition.org/etudesromanes/5549

(5) Cf. : https://jmsauvage.fr/dictionnaire-des-citations/ouvrier