"1972, Massachusetts. Dennis, Donella, Bill, Jorgen : quatre jeunes chercheurs réfléchissent aux conséquences de la croissance (1) sur la planète. En sortira le rapport Meadows (2), vendu à dix millions d'exemplaires. Avec enthousiasme, ils arpentent le monde pour convaincre les décideurs d'agir. Sans succès... [...]."
Olivier Pascal-Moussellard : présentation de son texte : Ils étaient quatre mousquetaires in : Télérama n° 3711 du 24 février 2021, pp. 16-21.
EXTRAITS :
"C'est l'histoire d'un rendez-vous manqué. Manqué en 1972, en 1992, en 2012. Et 2022 ne s'annonce pas bien. Un rendez-vous avec la planète, ou plus précisément avec ceux qui la dirigent et qui, décennie après décennie, sur l'environnement, écoutent sans entendre, font mine de s'inquiéter puis atermoient. [...]."
Olivier Pascal-Moussellard, p. 17.
"[...]. J'étais invité dans des colloques aux quatre coins du monde pour débattre de nos conclusions. Des organismes nous payaient le billet d'avion, et nous rémunéraient 1000 dollars [...]. Mais quand vous rejoignez l'auditoire [de l'Association des banquiers] pour une collation, et que son seul sujet de conversation ce sont les deals que les traders ont signés dans la journée, vous comprenez que vous avez été invité pour les divertir, pas pour les éclairer sur les dangers qui pèsent sur la planète."
Bill Behrens, p. 19.
"Les cinq ans qui ont suivi la publication de notre étude ont été géniaux [...]. Nous savions que nous avions raison [...]. Nous pensions que l'humanité se réveillerait à temps ! Simplement, la surdité du monde a fini par m'user [...]. Et j'ai jeté l'éponge."
Jorgen Randers, p. 19.
"Les grandes réformes politiques sont confrontées à un problème de taille, elles exigent que les gens fassent un sacrifice aujourd'hui pour des bénéfices qui ne tomberont que bien plus tard. Et elles exigent des plus riches qu'ils fassent des sacrifices dont d'autres - généralement les plus pauvres - bénéficieront ailleurs. Aucun système politique occidental n'est capable de faire ce choix. Je me souviens d'un dirigeant européen qui, dans les années 1970, m'avait lancé : "Bravo, professeur Meadows, vous nous avez convaincus. Maintenant, expliquez-nous par quel miracle nous pourrons être réélus si nous faisons ce que vous dites ?"
Dennis Meadows, pp. 19-20.
"[...]. Sur ma tombe sera simplement gravé : "Qu'est-ce que je vous avais dit ?"
Jorgen Randers, p. 21.
"CINQUANTE ANS APRES..."
Que vont devenir le rapport de la Convention citoyenne pour le climat et ses 149 propositions ? La lecture du projet de loi, soumis au Parlement fin mars, n'augure rien de bon. Raboté, édulcoré, voire javellisé, il a perdu sa vigueur, et la soixantaine de décisions retenues par le gouvernement n'a aucune chance de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre en France d'ici à 2030 - objectif visé. Qu'elles semblent loin, les promesses d'Emmanuel Macron de reprendre "sans filtre" les conclusions de la Convention pour les soumettre aux parlementaires ou à un référendum. Et qu'il paraît efficace, le travail de sape des intérêts sectoriels pour imposer assouplissements, dérogations, exceptions... Adieu la taxe sur les billets d'avion et l'interdiction des vols pour les destinations inférieures à 2h30 en train. La taxation sur les engrais chimiques ? Plus tard. L'arrêt de l'extension des zones commerciales ? On continuera à bétonner des terres agricoles, pourvu que la superficie reste inférieure à 10 000 mètres carrés, etc. Il y a cinquante ans, les responsables à qui l'on offrait le rapport Meadows avaient l'excuse de la nouveauté. Quelle sera celle des gouvernants actuels."
Olivier Pascal-Mousselard, encart à son texte, p. 19.
NOTES JMS :
(1) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Limites_à_la_croissance, https://jancovici.com/recensions-de-lecture/societes/rapport-du-club-de-rome-the-limits-of-growth-1972 et https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2020-1-page-208.htm
(2) Cf. note 1.