"Ce monologue est pour toutes les femmes de Bosnie (1)."
"Il y a quelque chose entre mes jambes. Je ne sais pas ce que c'est. Je ne sais pas où c'est. Je ne le touche pas. Plus maintenant. Plus jamais. Plus depuis."
"[...]."
"Plus depuis que je rêve qu'il y a un animal mort cousu là en bas avec un épais fil de pêche noir. Et on ne peut pas enlever la mauvaise odeur de l'animal mort. Et sa gorge est tranchée et il saigne sur toutes mes robes d'été."
"[...]."
"Plus depuis que les soldats ont enfoncé en moi un long fusil épais. Si froid, le canon d'acier a oblitéré mon coeur. Je ne sais pas s'ils vont tirer ou l'enfoncer jusqu'à mon cerveau qui se vrille. Six d'entre eux, médecins monstrueux avec des masques noirs, enfoncent aussi des bouteilles. Il y a eu des bâtons, et un manche à balai."
"[...]."
"Plus depuis que j'ai entendu la peau se déchirer avec un crissement acide, plus depuis qu'un morceau de mon vagin est resté dans ma main, un morceau de la lèvre, maintenant, un côté de la lèvre a complètement disparu."
"[...]."
"Plus depuis que pendant sept jours ils ont pris chacun leur tour puant les excréments et la viande fumée, ils ont laissé en moi leur sperme immonde. Je suis devenue une rivière de pus et de poison et toutes les récoltes sont mortes, et les poissons."
"[...]."
Eve Ensler : "Mon vagin était mon village" in : Les Monologues du vagin (The Vagina Monologues), Ed. Denoël, 2005, pp. 71-73. Trad. de l'anglais (Etats-unis) par Lili Sztajn.
NOTE JMS :
(1) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bosnie-Herzégovine