"[...]. l'étymologie est une science parfaitement vaine qui ne renseigne en rien sur le sens véritable d'un mot, c'est-à-dire la signification particulière, personnelle, que chacun se doit de lui assigner, selon le bon plaisir de son esprit. Quant à la coutume, il est superflu de dire que c'est le plus bas critérium auquel on puisse se référer."
"Le sens usuel et le sens étymologique d'un mot ne peuvent rien nous apprendre sur nous-mêmes, puisqu'ils représentent la fraction collective du langage, celle qui a été faite pour tous et non pour chacun de nous."
"En disséquant les mots que nous aimons, sans nous soucier de suivre l'étymologie, ni la signification admise, nous découvrons leurs vertus les plus cachées et les ramifications secrètes qui se propagent à travers tout le langage, canalisées par les associations de sons, de formes et d'idées. Alors le langage se transforme en oracle et nous avons là (si tenu soit-il) un fil pour nous guider, dans la Babel de notre esprit."
Michel Leiris : "Glossaire : j'y serre mes gloses"
SOURCE : La Révolution surréaliste n° 3, 15 avril 1925. Repris sous le titre "Glossaire : j'y serre mes gloses, 1925" dans Brisées (Mercure de France, 1966), rééd. Gallimard, "Folio Essais", 1992, pp. 11-12.