Staline

"STALINE Joseph Vissarionovitch. Fidèle disciple et compagnon de lutte de Lénine, grand continuateur de son oeuvre immortelle, guide et éducateur du parti communiste et du peuple soviétique."

"[...]."

Petit dictionnaire philosophique, sous la direction de M. Rosentahl et P. Ioudine, Editions en langues étrangères, Moscou, 1955.

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1933 : 

Ossip Mandelstam : Epigramme à Staline

"Nous vivons sans sentir sous nos pieds de pays

Et l'on ne parle plus que dans un chuchotis."

"Si jamais l'on rencontre l'ombre d'un bavard

On parle du Kremlin et du fier montagnard."

"Il a les doigts épais et gras comme des vers

Et des mots d'un quintal précis comme des fers."

"Quand sa moustache rit, on dirait des cafards,

Ses grosses bottes sont pareilles à des phares."

"Les chefs grouillent autour de lui - la nuque frêle.

Lui, parmi ces nabots, se joue de tant de zèle."

"L'un siffle, un autre miaule, un autre geint -

Lui seul pointe l'index, lui seul tape du poing."

"Il forge des chaînes, décret par décret...

Dans les yeux, dans le front, le ventre et le portrait."

"De tout supplice, sa lippe se régale.

Le Géorgien a le torse martial."

Automne 1933

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1937 :

André Gide : Retouches à mon "Retour de l'URSS"

"Du haut en bas de l'échelle sociale reformée, les mieux notés sont les plus serviles, les plus lâches, les plus inclinés, les plus vils. Tous ceux dont le front se redresse sont fauchés ou déportés l'un après l'autre. Peut-être l'armée rouge reste-t-elle un peu à l'abris. Espérons-le ; car bientôt de cet héroïque et admirable peuple qui méritait si bien notre amour, il ne restera plus que des bourreaux, des profiteurs et des victimes."

Retour de l'U.R.S.S., suivi de Retouches à mon retour de l'U.R.S.S., Folio/Gallimard n° 4984, 2009, p. 132.

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1948 :

Paul Eluard : Ode à Staline

"Staline dans le coeur des hommes

Sous sa forme mortelle avec des cheveux gris

Brûlant d'un feu sanguin dans la vigne des hommes

Staline récompense les meilleurs des hommes

Et rend à leurs travaux la vertu du plaisir

Car travailler pour vivre est agir pour la vie

Car la vie et les hommes ont élu Staline

Pour figurer sur terre leur espoir sans borne."

"Et Staline pour nous est présent pour demain

Et Staline dissipe aujourd'hui le malheur

La confiance est le fruit de son cerveau d'amour

La grappe raisonnable tant elle est parfaite."

Publié dans L'Humanité du 8 décembre 1948

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"Les cinémas rouvrent leurs portes. Comme presque tous les lieux publics, ils étaient fermés pendant l'hiver. Un nouveau film est à l'affiche : La Défense de Tsaritsyne (1), Tsaritsyne (2) devenu Stalingrad en l'honneur de celui qui a orchestré la défense de la ville au moment de la guerre civile russe."

"Toute la vie des gens, leur quotidien, leur temps libre, était rempli de Staline comme on farcit une saucisse. On ne pouvait pas aller à la cuisine ou aux toilettes, déjeuner ou sortir dans la rue sans avoir en permanence Staline sur le dos. Il s'immisçait dans les tripes et dans l'âme, s'incrustait dans votre cerveau, bouchait les trous et les fissures, ne vous lâchait pas d'une semelle, vous appelait chez vous, se glissait sous vos couvertures, hantait vos souvenirs et vos rêves. On priait pour lui dans les synagogues et les églises. Il revendiquait l'espace, chassant l'air respirable. Il frappait toutes les cloches avec l'aide de son carillonneur, le NKVD (3). Il n'était jamais rassasié."

"Il voulait qu'on l'honore, qu'on le vénère, que toutes les contrées, que tous les damnés de la Terre, lui vouent un culte. Toujours plus. Ne relâchant jamais la pression. Il ne supportait pas que d'autres vivent et soient libres de penser et de bouger. Il avait soif de marcher sur les gens et de presser la terre dans son poing comme il l'aurait fait d'un être humain. Je plaignais les gens, à en grincer des dents, à en étouffer de rage. Cela me révulsait et m'oppressait."

Olga Freudenberg (ou Freidenberg), philologue classique (4) (texte traduit en français et lu en voix off).

SOURCE :

Artam Demenok : Leningrad : les voix de la mémoire (All., 2024, 1h30mn) (5).

NOTES JMS :

(1) Cf. not. : https://www.kinoglaz.fr/index.php?lang=fr&page=fiche_film&num=2101

(2) Cf. not : https://fr.wiktionary.org/wiki/Tsaritsyne et https://fr.wikipedia.org/wiki/Volgograd ;

et sur la batille de Tsaritsyne proprement dite, cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Tsaritsine

(3) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/NKVD et https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2010-3-pa...

(4) Cf. not. : https://de.wikipedia.org/wiki/Olga_Michailowna_Freudenberg et https://en.wikipedia.org/wiki/Olga_Freidenberg

(5) Cf. not. : https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_liste_generique/C_114021_F

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1953 :

mars : mort de Staline et sortie du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne (le même jour, le 5), arrivée au pouvoir de Nikita Sergueïevitch Khrouchtchov et début non officiel du processus de déstalinisation.

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1956 :

24 février : Nikita Sergueïevitch Krouchtchov communique aux seuls 1436 délégués du XXe Congrès du Parti communiste d'Union soviétique réunis en huis clos son Rapport sur le culte de la personnalité, dit "Rapport Krouchtchov", à la fin du XXe Congrès du Parti.