passerelle

"L'année dernière Godard m'avait demandé de tourner dans une courte séquence de son film, lequel à l'époque avait pour titre : Sauve qui peut (la vie). Je n'ai pas voulu tourner mais faire seulement un entretien avec lui. Alors il m'a demandé de venir, c'était donc en octobre 79, je suis venue, c'était à Lausanne, il m'a dit que tout était prévu, l'heure et les lieux de l'entretien. Il m'a emmenée dans une école, c'était le moment de la récréation ou de la rentrée, je ne sais plus, c'était sous un escalier en bois que prenaient les élèves. On a donc fait l'entretien. [...]. Après l'école on a enregistré dans une auto mais en marche et qui roulait à travers la ville. J'ai écouté la bande. Il semblerait que de temps en temps, aux feux rouges on comprenne pas mal de ce qu'on dit. Il m'a semblé qu'il y avait des choses intéressantes sur les passerelles aériennes de Lausanne qui vont d'un immeuble à l'autre. Je lui ai dit qu'elles étaient belles. Il m'a dit que beaucoup de gens se jetaient de ces passerelles. J'ai dit qu'elles semblaient être faites exprès pour se tuer. Il m'a dit que oui." 

Marguerite Duras, in Marguerite Duras et le cinéma. Les Yeux verts, rééd. oct. 2014 par les Cahiers du cinéma du n° 312-313 des Cahiers du cinéma de juin 1980, p. 38.