"[...]. De nombreux artistes découvrent aujourd'hui les ressources d'une "pensée sauvage" ou d'un savoir "sceptique" capable d'interroger l'héritage complexe de la pensée moderniste, jusque dans le nouage entre art et théorie consacré par le discours esthétique. Ces explorations passent par l'invention de nouveaux formats qui contribuent à rendre visible un réseau d'expériences où les discours, les savoirs et les pratiques parviennent à communiquer sur un mode qui ne se réduit pas à celui, imaginaire, de la culture comme espace commun de circulation des valeurs et des signes, vaste répertoire de codes et de motifs où puiserait l'imagination blasée ou rêveuse des artistes. Il ne s'agit pas d'être plus savant ou plus malin, ni de penser des choses inouïes, mais d'essayer des connexions : le réel de l'art - ce par quoi il provoque à penser - est dans l'invention de ces prises."
Elie During et Laurent Jeanpierre : "En pensant par l'art" in revue Critique "A quoi pense l'art contemporain ?" (août-septembre 2010, Les Editions de Minuit, p. 646).
__________________________________________________
Dans un article du journal Le Monde du 25 février 2012 intitulé "Béatrice Josse, "femme flic" de l'art contemporain", Clarisse Fabre (1) écrit :
"Où sont les femmes ? Béatrice Josse a mis la question sur la table dès sa nomination à la tête du Fonds régional d'art contemporain de Metz, le FRAC Lorraine. C'était en 1993. [...] La jeune femme, féministe en diable, a commencé par mener un drôle d'inventaire : combien d'oeuvres signées par des femmes figurent dans les collections des musées de la région ? "Résultat, 5 % ! 95 % des oeuvres étaient masculines", s'étonne-t-elle encore aujourd'hui. [...]."
"Sa mission : délivrer l'art contemporain de l'ominprésence des mâles. Dès 1995, elle a proposé au conseil d'administration du FRAC Lorraine d'acheter une photo de Sophie Calle, intitulée Le Divorce (1994). Debout, derrière son mari, celle-ci lui tient le sexe pendant que celui-ci urine. "Il y a plein de femmes nues dans l'histoire de l'art. Mais quasiment pas d'hommes. Je voulais un bite dans ma collection", dit-elle. Localement, le Front national a instrumentalisé l'affaire. L'Etat et le conseil régional, qui financent à parité le FRAC, se mordaient les doigts. L'impétueuse a failli perdre son poste. Entre-temps, Le Divorce a été vendu ailleurs..."
"Peu importe, cette polémique a marqué le point de départ d'une politique qui va s'épanouir entre 2000 et 2006 : l'achat exclusif d'oeuvres émanant d'artistes féminines. [...]."
"Presque vingt ans plus tard, Béatrice Josse, 46 ans, fait toujours figure de vigie. Adolescente, elle voulait être "commissaire de police" et exercer un "métier d'homme". Elle est devenue... commissaire d'exposition. Mais le goût de l'enquête ne l'a pas quittée. Pas une exposition qui n'ait une résonance avec un fait politique ou une tendance émergente de la société. On l'imagine munie d'une longue-vue, surveiller l'horizon depuis le pigeonnier de l'hôtel particulier du XIIe siècle, une petite merveille, qui abrite le FRAC. "C'est le plus haut point de la ville. Un symbole phallique", grince la maîtresse de cérémonie, décidément irrécupérable, qui a rebaptisé le lieu : "Hôtel Saint-Livier", cela faisait trop curé. Elle a commencé par jouer avec les mots, s'apercevant que "Livier est l'anagramme de virile...".
"Celle qui aime déplacer les lignes a fini par trouver : le FRAC se nomme "49 Nord 6 Est", du fait de sa situation géographique. [...]."
NOTE JMS :
(1) Clarisse Fabre a notamment réuni des articles du journal Le Monde qui présente un historique de la place des femmes dans la vie politique française, articles qui ont été publiés chez J'ai lu, col. "Librio document", en juillet 2001 (156 p.) sous le titre : Les femmes et la politique. Du droit de vote à la parité.
__________________________________________________
"[...] il faut en finir avec toutes ces expos gadgets d'un art contemporain nombriliste, réservés aux amateurs de cocktails qui s'autocongratulent à longueur de journée."
Kader Attia (1)
NOTE JMS :
(1) Cf. not. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kader_Attia et https://www.franceculture.fr/personne-kader-attia.html
SOURCE :
Lorraine Rossignol : Artistes trop engagés ? in Télérama n° 3665 du 8 avril 2020, p. 27.