Khmers rouges

"En janvier 1979, Alain Badiou conclut ainsi sa tribune intitulée "Kampuchea vaincra !", publiée dans Le Monde : "Outre les tensions accumulées dans les siècles par l'absolue misère du paysan khmer, la simple volonté de compter sur ses propres forces et de n'être vassalisé par personne éclaire bien des aspects, y compris en ce qui concerne la mise à l'ordre du jour de la terreur, de la révolution cambodgienne. (...) Il n'est pas même demandé d'examiner en conscience à qui sert finalement la formidable campagne anticambodgienne de ces dernières années, et si elle n'a pas son principe de réalité dans la tentative en cours de "solution finale"." (1)

"En 1980, dans After the cataclysm, jamais traduit en France, cosigné avec Edward S. Herman, Noam Chomsky écrit : "Tandis que tous les pays d'Indochine ont été sujets à des dénonciations sans fin, en Occident, pour leurs caractéristiques "répugnantes" et leur intolérable incapacité à trouver des solutions humaines à leurs problèmes, le Cambodge a été la cible de critiques particulièrement virulentes. En fait, on a pratiquement fini par tenir pour un dogme, en Occident, que le régime [des Khmers rouges] était l'incarnation même du mal, sans aucune qualité qui puisse le sauver ; et que la poignée de créatures démoniaques qui avait fini par s'emparer du pays massacrait et affamait le peuple. Comment les "neuf hommes du Centre" ont pu réaliser ce projet ; ou pourquoi ils ont choisi de poursuivre la voie étrange de l'"autogénocide" : ce sont des questions que l'on creuse rarement." (2)

"Je relis ces phrases. Les mots glissent et s'échappent. Je ne comprends pas."

Rithy Panh avec Christophe Bataille : L'élimination, Editions Grasset et Fasquelle, 2011, pp. 288-90. 

NOTES JMS :

(1) Le 1er mars 2012, à l'émission Avant-Premières sur France 2, Alain Badiou a déclaré regretter cet article.

(2) Traduction de Rithy Panh.