"Pour voir un anarchiste en Stirner, et le dédouaner de tout égoïsme, il faur négliger la lecture de L'Unique et sa propriété, car, dans ce volume de cinq cents pages, il triomphe en solipsiste fustigeant tout ce qui entrave son "Moi" : l'Etat, la loi, le droit, la famille, la patrie, les philosophes, l'Ecole, la caserne, la police, l'Université, la nation, la morale, le libéralisme, le bourgeois, la société, le bien, le mal, la raison, la vérité, les impôts, le système, la hiérarchie, la monogamie, l'amitié, le mariage, la propriété, l'argent, l'autorité, le travail, l'héritage, le roi, l'empereur, la légalité, les constitutions, le religion, Dieu, etc., ce qui, évidemment, flatte la fibre de l'anarchiste de ressentiment."
"Toutefois, que les anarchistes le sachent aussi !, Stirner vomit également : la justice, la liberté, l'égalité, l'équité, le partage, la solidarité, la fraternité, le peuple, le prolétariat, Proudhon. Il justifie l'inceste, le mensonge, le parjure, le non-respect de la parole donnée, le crime. Si d'aventure il célèbre l'"association d'égoïstes", ça n'est pas par souci de la micro-communauté, mais parce que celle-ci constitue ponctuellement la formule la plus utile au triomphe de son ego. [...]."
"On entend dans L'Unique et sa propriété un grand cri primal lancé par un enfant exigeant tous les bonbons du magasin qui se fâche contre la marchande qui dit non. Cette plainte infantile est malheureusement le cri régressif de nombre d'anarchistes institutionnels dont on voit bien à quoi ils s'opposent (souvent tout, ou presque...) sans qu'on puisse savoir ce qu'ils proposent de viable, de concret, de positif."
Michel Onfray : Le Postanarchisme expliqué à ma grand-mère. Le principe de Gulliver, Galilée, col. "débats", 2012, pp. 40/41 et pp. 46/47.