Magritte

Lettre de René Magritte au critique d'art Richard Dupierreux, opposant radical au mouvement surréaliste :

Monsieur Richard Dupierreux

 critique d'art au Journal "Le Soir"

Bruxelles

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     Cher Monsieur Dupierreux,

     La bêtise est un spectacle fort affligeant mais la colère d'un imbécile a quelque chose de réconfortant. Aussi je tiens à vous remercier pour les quelques lignes que vous avez consacrées à mon exposition (1).

     Tout le monde m'assure que vous n'êtes qu'une vieille pompe à merde et que vous ne méritez pas la moindre attention. Il va sans dire que je n'en crois rien et vous prie de croire cher monsieur Dupierreux en mes sentiments les meilleurs.

                                                                          Magritte

                                                                          3 mai 1936

                                                                          135. rue Esseghem. Jette

                                                                                                      Bruxelles (2)

NOTES JMS :

(1) Voici un extrait de cet article :

"Au Palais des Beaux-Arts également, deux peintres, Paul Delvaux et René Magritte, exposent des oeuvres qui, si elles ne sont loin de manquer de talent, tiennent bien plus de la cérébralité que de la peinture. L'un et l'autre cherchent dans le surréalisme leurs thèmes familiers. Delvaux, avec ses nus et ses demi-nus, tend plutôt à exprimer des idées qu'à représenter des corps ; il essaye de nous imposer une atmosphère morale, dans un effort de suggestion qui tient du rêve. Y arrive-t-il toujours ? Je n'en suis pas certain. Et je regretterai, pour ma part, qu'au bénéfice d'une tentative littéraire il laisse au second plan les qualités dont ses aquarelles réalistes, éxécutées devant la nature, nous donnent tant d'émouvants exemples."

"L'art de Magritte pousse à l'extrême cette tendance. Son métier, froid, impersonnel, académique, en font un des "pompiers" du surréalisme. Une figure d'homme, dont le nez se termine en pipe, est pour la Lampe philosophique ; une tranche de jambon au milieu de laquelle un oeil nous regarde, et c'est le Portrait ; un oeuf cuit dur, coupé en deux, sur une étagère bleue, devant un ciel noir, signifie le Feu souterrain. Ainsi, une série d'inventions laborieuses, prétentieuses, enfantines, font appel à une curiosité maladive."

"[...]."

(2) Cf. not. : https://www.parisladouce.com/2012/12/art-la-lettre-de-rene-magritte-richard.html