"Marie Laurencin [...]. En voilà une qui aurait besoin qu'on lui relève les jupes et qu'on lui mette une grosse... quelque part pour lui apprendre que l'art n'est pas une petite pose devant le miroir. Oh ! Chochote (ta gueule !) La peinture, c'est marcher, courir, boire, manger, dormir et faire ses besoins. Vous aurez beau dire que je suis un déguelasse, c'est tout ça."
"C'est outrager l'Art que de dire que pour être un artiste il faut commencer par boire et manger. Je ne suis pas un réaliste et l'art est heureusement en dehors de toutes ces contingences (et ta soeur ?)."
"L'Art, avec un grand A, est au contraire, chère mademoiselle, littérairement parlant, une fleur (ô ma gosse !) qui ne s'épanouit qu'au milieu des contingences, et il n'est point douteux qu'un étron soit aussi nécessaire à la formation d'un chef-d'oeuvre que le loquet de votre porte, ou, pour frapper votre imagination d'une manière saisissante, ne soit pas aussi nécessaire, dis-je, que la rose délicieusement alangourée qui expire adorablement en parfum ses pétales languissamment rosés sur le paros virginalement apâli de votre délicatement tendre et artiste cheminée (poil aux nénés !)."
Arthur Cravan : revue Maintenant n° 4, mars-avril 1914 (à propos du Salon des Indépendants).
Rééd. : Maintenant avril 1912 - mars-avril 1915, Seuil, col. "l'école des lettres", 1995, p. 97/98.