impératif catégorique

IMPERATIF HYPOTHETIQUE ET IMPERATIF CATEGORIQUE :

"[...] tous les impératifs commandent ou hypothétiquement ou catégoriquement. Les impératifs hypothétiques représentent la nécessité pratique d'une action possible, considérée comme moyen d'arriver à quelque autre chose que l'on  veut (ou du moins qu'il est possible qu'on veuille). L'impératif catégorique serait celui qui représenterait une action comme nécessaire pour elle-même, et sans rapport à un autre but, comme nécessaire objectivement."

FORMULE-MERE DE L'IMPERATIF CATEGORIQUE :

"Il n'y a [...] qu'un impératif catégorique, et c'est celui-ci : Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle."

FORMULES DERIVEES :

"[...] l'impératif universel du devoir pourrait encore être énoncé en ces termes : Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en LOI UNIVERSELLE DE LA NATURE."

"L'impératif pratique sera [...] celui-ci : Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen." 

"Une chose [...] n'en pouvait pas moins se faire : c'était que le détachement de tout intérêt dans l'acte de vouloir par devoir, considéré comme le caractère spécifique qui distingue l'impératif catégorique de l'impératif hypothétique, fût indiqué en même temps dans l'impératif même, au moyen de quelque détermination qui lui serait inhérente, et c'est ce qui arrive maintenant dans cette troisième formule du principe, à savoir dans l'idée de la volonté de tout être raisonnable conçue comme volonté qui institue une législation universelle."

Emmanuel Kant : Fondements de la métaphysique des moeurs, Librairie Delagrave, 1974, pp. 124-25, pp. 136-37, p. 150, p. 155. Trad. Victor Delbos.

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"Qu'est-ce que je peux faire ? Qu'est-ce que je dois faire comme citoyen ? Et surtout je dirai qu'aujourd'hui c'est moins que dois-je faire ? que, que dois-je éviter ? Je dirai là, le bien est moins clairement défini que le mal ; et que dois-je éviter ? Qu'est-ce qui ne faut pas laisser passer ? Qu'est-ce qu'il faut empêcher ? Comment empêcher que ce qui ne doit pas arriver advienne ? Je dirai, c'est ça un impératif catégorique un peu négatif qui me semble important."

Corine Pelluchon, philosophe

SOURCE :

Wilfried Hauke : Kant et l'expérience de la liberté (All., 2024, 55 mn).

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"Dans le Système de l'éthique [de Fichte], nous trouvons l'impératif catégorique développé en impératif despotique : le tu dois absolu, la raison législatrice et le commandement du devoir se sont développés en un fatum moral, en une nécessité insondable selon laquelle le genre humain doit agir avec rigueur conformément à certaines maximes, et comme quoi il faut attacher le plus grand prix à juger d'après les instances morales, bien que l'on n'apprenne nulle part en quoi elles consistent."

Arthur Schopenhauer : Die Kunst zu beleidigen, Verlag C.H. Beck, oHG, München, 2002 (L'art de l'insulte, éd. du Seuil, 2004, pour la trad. française par Eliane Kaufholz-Messmer, pp. 52/53).

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"[...] Kant [...] nous présente au fond de notre âme un tribunal au grand complet, avec procès, juges, plaignants, défenseurs, verdicts. Si ce qui se passe en notre fond intérieur se déroulait vraiment comme le représente Kant, il faudrait s'étonner de ce qu'un homme soit capable, je ne veux pas dire d'être aussi mauvais, mais aussi bête pour agir contre sa conscience. Car cette sorte d'institution surnaturelle ancrée dans la conscience que nous avons de nous, d'une espèce toute particulière, cette mascarade de tribunal vhémique (1) dans l'obscurité mystérieuse de notre for intime, devrait inspirer à chacun une horreur et une disdémonie [crainte des démons] qui le dissuaderaient en vérité de saisir de brefs et fugaces avantages, en bravant l'interdit et sous les menaces de puissances surnaturelles effrayantes qui s'annoncent si évidentes et si proches. Dans la réalité, par contre, nous voyons à l'inverse combien l'efficacité de la conscience est en général si faible que tous les peuples ont eu le souci de venir à son secours à l'aide d'une religion positive, voire de la remplacer complètement par une telle religion."

Idem ci-dessus, pp. 74-75.

NOTE DU TRADUCTEUR :

(1) Tribunal de justiciers qui, au Moyen Âge (XIIIe-XVIe siècle), en Allemagne, exécutait en secret les criminels.

NOTE JMS :

(1) Si l'on suit ce qui est dit dans la préface de Le Tribunal secret, tragédie en cinq actes par M. Léon Thiessé* (publié en 1823 chez J.-N. Barba, libraire à Paris), le tribunal vhémique a été établi en 803 par Charlemagne et s'est perpétué pendant sept siècles en Westphalie, donc du IXe au XVIe siècle.

* Journaliste, historien et écrivain français (1793-1854).

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"[...] je déclare ouvertement que j'ai l'intention de prouver que la raison pratique et l'impératif catégorique de Kant sont des hypothèses totalement injustifiées, dénuées de fondement et fabriquées de toutes pièces."

Idem ci-dessus, p. 88.